jeudi 11 juillet 2019

Surf et taichi, même combat



Pour un observateur non initié, le surf et le tai chi chuan peuvent sembler une danse avec les éléments, tant les mouvements, fluides, donnent une impression de facilité et de grâce. Et pourtant...

 

Les deux disciplines demandent des qualités de combativité 


Le tai chi chuan, tout d'abord, est dans son essence même un art martial, chacun de ses mouvements a pour objet une ou plusieurs applications martiales, parfois offensives, souvent défensives.
Par ailleurs, l'apprentissage des mouvements complexes du taichi demande des qualités de ténacité. En effet, progresser dans la maîtrise de ses habiletés motrices est un objectif de longue haleine. Celui qui met un ballon au fond d'une cage ou d'un panier appréhende la réussite de manière plus concrète et immédiate.
C'est ainsi qu'on appelle également, le tai chi chuan, boxing the shadow : en effet, les enchainements du taichi visent l'affrontement d'un adversaire imaginaire mais aussi une sorte de confrontation avec soi-même (barrières physiques et mentales).

Quant au surfeur, à peine un orteil mis à l'eau, la puissance des éléments derechef le ramène à son insignifiance : les vagues, le vent, le courant concourent à le repousser vers le bord lorsqu'il veut s'en éloigner ; ou au contraire à l'emporter vers le large lorsqu'il eut souhaité rester près du rivage.
Et même si le surfeur aguerri développe des stratégies pour ne plus subir l'océan, il passe néanmoins plus de temps à ramer pour gagner la zone des vagues, le line up, qu'à réellement surfer. Il y a bien là une notion de confrontation avec la nature, dans un combat inégal au vu des puissances mises en jeu.
De plus, les caprices de la météo, les variations de la marée font que l'adversaire du surfeur offre un visage toujours changeant, s'adapter à ces transformations est difficile et source souvent de frustration. En un mot, le surfeur, surtout dans sa phase d'apprentissage, doit s'accrocher, être patient, persévérant, accepter que la réussite ne lui sourie pas au premier essaie.
L'apprentissage du take-off, ce saut dans le vide du haut de la vague, demande également des qualités d'engagement qui rapprochent le surfeur du combattant, il y a ce moment fugace où la réflexion et le doute doivent s'effacer devant l'action.

Don't fight power with power, use it : utiliser l'énergie cinétique à son avantage


Le surfeur aguerri ne mesure pas ses forces à celles de l'océan, ce serait absurde. Contrairement au débutant qui parfois fonce tête baissée tout droit dans la mêlée, celle des vagues mais aussi celle des autres surfeur, l'expert va contourner les vagues et utiliser les courants de baïne pour se laisser porter sans efforts derrière les vagues.

De même, le surfeur expérimenté joue avec la puissance des éléments, il ne les attaque pas frontalement, il les utilise : la gravité et le creux de la vague deviennent son carburant, il vient puiser vitesse et force explosive sur la crête des vagues où se concentre toute la puissance de l'océan, il fuit la vague qui casse dans son dos et pourtant il revient puiser à l'énergie de sa mousse et va même se cacher à l'intérieur du tube formé par cette lèvre qui s'abat tel un couperet.

Le taichi poursuit ce même objectif d'économie d'énergie dans le combat : en effet, la méthode de travail consiste à éviter toute crispation du corps. Un muscle trop contracté devient lent et inopérant. Là aussi, les forces de la nature sont utilisées à bon escient.
Quelques principes de base : la gravité entraine naturellement vers le sol, aussi n'est-il nul besoin de mettre de la force dans un mouvement descendant ; les hanches et le buste en rotation sont un extraordinaire amplificateur de vitesse et d'énergie ; le souffle nourrit les muscles dans leurs phases alternées de relâchement et de contraction, bien utilisé, il permet tour à tour l'expression de la puissance explosive et la maîtrise du stress.
Il existe par ailleurs une forme de lutte dans le taichi, que  l'on nomme poussée des mains, dans laquelle la force de l'adversaire est esquivée et restituée. Les mains sont en contact, elles n'offrent pas de résistance à la poussée, si bien que l'adversaire se déséquilibre tout seul en ne rencontrant que du vide et se retrouve au sol à l'issue de son attaque.

On retrouve cette forme de stratégie de l'esquive dans l'aïkido, art martial défensif par excellence. Également dans le surf, puisque le surfeur ne plie pas l'environnement à sa volonté, c'est lui qui adapte ses mouvements aux variations de la vague pour conserver son équilibre et exprimer tout son art.

La bienveillance dans l'affrontement


L'adversaire que constitue l'océan pour le surfeur, l'attaquant pour le pratiquant d'arts martiaux, n'est pas l'ennemi mais plutôt le partenaire. C'est en effet en se mesurant à cet adversaire, réel ou imaginaire, que le surfeur ou le pratiquant martial parviennent à dépasser leurs limites et à progresser physiquement et techniquement.

Cela implique une notion de protection environnementale chez le surfeur responsable et cela induit un comportement également bienveillant lorsque deux pratiquants d'arts martiaux s'affrontent : en effet, un pratiquant accompli maîtrise sa puissance et veille à préserver l'intégrité physique de son opposant, de la même manière qu'un surfeur un tant soit peu malin refusera de salir son terrain de jeu.

Rappelons que l'étiquette dans les arts martiaux interdit d'avoir recours à la force, sauf cas de légitime défense tandis que cette violence s'invite parfois sur les spots de surf lorsqu'il y a trop de monde à l'eau. On parle alors de localisme. La dimension combattive du surf prend alors une tournure bien peu valorisante. La violence du hot local s'exprime d'ailleurs le plus souvent de manière passive, à l'opposé des valeurs combatives du sport et des arts martiaux : impolitesse, tricherie, intimidation deviennent alors les armes du lâche.

A l'arrogance et agressivité des uns, s'oppose l'humilité et la bienveillance du grand surfeur ou du maître taichi. 

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